La branche éco-citoyenne continue à s’intéresser aux problèmes environnementaux, sans nécessairement rendre public ses travaux. Depuis 2 ans, nous avons observé et étudié un phénomène inquiétant pour la biodiversité et qui concerne particulièrement notre région.
Dans cet article, nous vous proposons une synthèse.
Certains s’en souviennent peut-être, en France mais aussi dans toute l'Europe, les ormes ont été rayés de la carte entre les années 1970 et 1990. La cause de cette disparition est la graphiose, une redoutable maladie véhiculée par un champignon microscopique.
Cela sera probablement bientôt le tour des frênes communs !
Ce qui menace les frênes porte un nom : la chalarose.
La chalarose, c’est quoi ?
La chalarose (prononcer « kalarose ») est une maladie causée chez certains frênes par le champignon foliaire : Hymenoscyphus fraxineus, originaire d’Asie.
Ce champignon a d’abord identifié sous le nom de Chalara fraxinea, qui a donné le nom de « chalarose ».
Cette maladie a été tout d'abord observée sur le frêne commun (Fraxinus Excelsior), essence très répandue en France. Elle a aussi été détectée sur certains frênes Oxyphylles (Fraxinus Angustifolia) présents en France.

Quels sont les symptômes ?
Le champignon Chalara fraxinea provoque le dépérissement du Frêne avec des symptômes caractéristiques :
- Flétrissement des feuilles
- Dessèchement de l'écorce qui devient localement orangée
- Nécrose* des feuilles et des branchages
- Nécrose* des jeunes pousses
- Mort des rameaux
- Coloration grise du bois
* Dégât cellulaire qui mène à la mort prématurée et non programmée des cellules.

Les jeunes arbres sont rapidement touchés et, en général, meurent rapidement.
Tout frêne dépérissant n’est pas forcément atteint par la chalarose mais ceux qui le sont prennent rapidement un aspect dépérissant qui doit attirer l’attention. Cependant, fragilisé pour une autre raison, un frêne risque fort d’être contaminé rapidement par le champignon Chalara fraxinea.

Comment progresse de la maladie ?
Des dépérissements de Frêne ont été rapportés en Pologne de l’Est puis en Lituanie au début des années 1990. Depuis, elle s’est largement répandue dans toute l’Europe. En France, les premiers symptômes ont été détectés en Haute-Saône en 2008.

Répartition du frêne commun en Europe (en bleu)
Et année d’observation des premiers symptômes pour chaque pays contaminé
Sa progression rapide est très inquiétante !
Fin 2009, 13 départements sont touchés, essentiellement dans le Nord-Est et un foyer isolé dans le Pas-de-Calais, à Lugy, (près de Fruges) est découvert. Par la suite ces deux foyers se rejoignent. Fin 2010, 18 départements sont touchés et en 2011, 29 !
En 2011, la totalité du Nord Pas-de-Calais était considérée comme touchée par la chalarose, et deux départements proches, l'Aisne et l'Oise, étaient jugés en situation préoccupante.
En 2014-15 la maladie atteint l'ensemble de la Normandie, de la Beauce, du nord du massif Central et des Alpes.
En 2015, un nouveau foyer est détecté dans les Charentes, aux environs de Jarnac. La mortalité reste faible chez les arbres adultes, mais est très forte dans les jeunes peuplements.
La croissance est souvent réduite et le pourcentage d’arbres adultes porteurs de symptômes peut dépasser 80 % des frênes des massifs suivis.

Copyright - DSF - Animation : Arnaud DOWKIW, chargé de recherche à l'INRA
Quelles sont les conséquences ?
Coup de projecteur médiatique sur les conséquences à court terme
En août 2016, l'ONF (Office national des forêts) a pris une mesure rarissime en interdisant la circulation dans 350 kilomètres de chemins forestiers dans cinq forêts françaises. De grosses branches de frênes, dont beaucoup sont malades, risquent de casser et de tomber. La mesure concerne quatre forêts domaniales du Pas-de-Calais (Boulogne, Desvres, Hardelot et Vimy) et une forêt du Nord (Nieppe) à compter du 15 septembre.
« Cette fermeture durera quelques mois. Elle vise à prévenir tout risque d'accident dans l'attente de la sécurisation par les équipes de l'ONF des itinéraires de randonnée de ces forêts. L'accès au public et les manifestations sportives seront interdits durant cette période. »
Ces fermetures ont fait l’objet de quelques articles de presse, qui hélas ce sont arrêté à la fonction « loisirs » des forêts et n’ont poussé la réflexion sur les impacts économiques et écologiques de la disparition du frêne commun. Dans notre dossier d’étude nous avons essayé d’apporter une réflexion sur ces conséquences pour le moment encore ignorées du grand public et pourtant extrêmement inquiétantes.
Conséquences économiques et écologiques.
En Pologne touchée depuis 1992, le Frêne représente moins de 2 % de la forêt et se limite à des habitats spécifiques très localisés. Les enjeux sont donc limités.
En France, les conséquences seront bien plus importantes !
À terme, la totalité des arbres touchés devra être abattue.
L'impact de ce fléau sur le paysage National pourrait être considérable, car il y a quinze fois plus de frênes qu'il n'y avait d'ormes dans les années 1970. Il s’agit d’ailleurs de la cinquième essence en France après le chêne, le hêtre, le charme et le châtaignier. On en trouve partout, dans les forêts bien sûr mais aussi, dans les haies et bosquets, dans les parcs publics et dans les jardins privés.
L’extinction du frêne serait une grande perte pour la biodiversité. De nombreux organismes vivants dépendent en effet de sa présence. L’étude anglaise mentionne une centaine d’espèces de lichens, de champignons et d’insectes qui ont besoin du frêne pour leur survie.
Très présent dans les forêts de l'Est et du Nord de la France, le frêne commun est exploité pour son bois dur mais relativement flexible, de couleur très claire, presque blanc. Il est facile à travailler et prend bien les couleurs, le cérusage et les vernis.
On l'utilise notamment pour les manches d'outils et les cercles à fromage, et plus généralement pour l'ébénisterie et la menuiserie. C'est aussi un très bon bois de chauffage.
(Nous avons détaillé d’autres particularités dans notre dossier d’étude.)
Le déclin rapide des frênes dans nos forêts est donc non seulement une perte pour la biodiversité, mais aussi une perte économique importante !
Quel espoir de sauver l’espèce ?
À ce jour, il n’existe aucun moyen de lutte ni préventif ni curatif.
La rapidité de progression de la maladie et son mode de dispersion ne permettent pas d’envisager des mesures d’éradication.
Même si, contrairement à ce qui s'est passé pour les ormes, un petit nombre d'individus semblent résister à la maladie (entre 2 % et 5 %), ce ne sera pas suffisant pour maintenir les peuplements.
Des recherches sont en cours sur la sélection d’individus résistants. Nous suivrons régulièrement ces recherches en particulier celles qui concerne les 3 espèces de frênes vivant en France.
Pour finir sur une note « positive » :
La maladie reste spécifique au frêne et n’est pas transmissible aux autres espèces vivantes.
Pour en savoir plus…
Liens
Champignon du frêne : 5 forêts fermées au public dans le Nord et le Pas-de-Calais
Vidéos et explications
Télécharger la fiche pédagogique « Victimes de la Chalarose, les frênes agonisent »
Notre travail sur le sujet :
Nous avons constitué un dossier complet : Présentation détaillée des différents frênes (il en existe 50 dans le monde – 3 vivent en France), atouts économiques et écologiques du frêne commun, importance de la forêt pour la biodiversité et l’économie (nous avions déjà travaillé ces thèmes à l’occasion de l’année internationale des forêt en 2011, faible taux de boisement dans le Pas-de-Calais (dont nous avons déjà parlé), place du frêne commun en France et conséquences inquiétantes si ce dernier disparait, et bien sûr, toutes les informations sur la chalarose reprises dans cet article, avec détails et annexes). Le public a pu consulter ce dossier samedi 19 novembre à l’occasion de notre participation au festival de l’arbre.
Nous avons réalisé également un affichage résumant les principaux chapitres de cet article visible également samedi dernier à salle Utrillo à Beuvry.
Ce dossier d’une quarantaine de page et cet affichage seront régulièrement consultables lors de nos prochaines journées de sensibilisation aux problèmes environnementaux.

