Domaine de Bellenville : un débardage au trot
Sous le regard ébahi d'écoliers de Beuvry, Dominique et Brigitte ont fait l'impressionnante démonstration du débardage à cheval, une tradition qui tend aujourd'hui à disparaître. :
Dans le cadre du chantier de revalorisation du site naturel de Bellenville, le syndicat mixte Eden 62 a sollicité Dominique et Brigitte Foret, un couple de débardeurs à cheval.
Hier, ils ont fait la démonstration de cette pratique traditionnelle qui tend à disparaître.
CÉLINE DEBETTE > celine.debette@nordeclair.fr
Une vaste opération de débardage est en cours au Domaine de Bellenville. Pourtant, aux abords de cet espace boisé et marécageux de 60 hectares entre Beuvry et Cambrin, le silence règne en maître. À peine est-il perturbé par le cliquetis des chaînes de l'attelage reliant Noisette, Loustic, Olga et Quiam. Depuis plus d'un mois, ces quatre chevaux de trait de 900 kg, guidés par Dominique et Brigitte Foret, tractent sans relâche troncs et branches de peupliers. « Nous amenons les rondins au bord de la parcelle pour qu'ils soient ensuite transportés vers la route par des tracteurs. Nous sommes complémentaires de la machine », résume Dominique.
Originaire de Plainfaing, petit village au pied du col du Bonhomme, ce débardeur professionnel, qui a quitté ses Vosges natales pour s'installer à Azincourt avec sa femme Brigitte, a le métier dans la peau. « Là où j'ai grandi, il y avait plus de chevaux que d'hommes. Et jusqu'aux années 70, on ne débardait que de cette façon là-bas. C'est l'arrivée du moteur qui a tué cette pratique. » Et surtout ce savoir-faire qu'il tente de transmettre avec passion et rigueur à la jeune génération. « C'est la qualité du travail qui m'a attiré, raconte-t-il. C'est un métier à part entière. Les chevaux tractent entre 25 et 30 m³ par jour. Ils ne sont pas là pour faire de la figuration. »
La reconquête de la nature
En effet, Noisette, Loustic, Olga et Quiam ont pour mission de débarder 250 m³ d'ici à fin avril. L'objectif est de recréer, d'ici à l'année prochaine, des sentiers de randonnées accessibles aux personnes à mobilité réduite tout en favorisant la « renaturation » de cet espace mis à mal par les peupleraies. Car ces plantations « assèchent les marais et participent à la disparition d'espèces inféodées aux zones humides » , explique Pierre Thellier, responsable du site et chargé de mission au sein du syndicat mixte Eden 62.
Des zones humides qui, bien qu'elles fassent partie de l'équilibre environnemental, tendent à disparaître. « Il y a deux siècles, elles occupaient 30 % du territoire régional. Aujourd'hui, il en reste moins de 0,8 %. » C'est d'ailleurs grâce à ce vaste chantier que l'utriculaire citrine, plante carnivore aquatique qui avait déserté les Flandres depuis 1968, a pu être redécouverte. « Le Domaine de Bellenville abrite une flore et une faune très riches qu'il faut préserver. » Butors étoilés, balbuzards pêcheurs, hérons pourprés, bécasses des bois et amphibiens vont également pouvoir réintégrer leur habitat.
Déjà, la nature reprend peu à peu ses droits car « le débardage à cheval fait peu de dégâts au sol contrairement aux tracteurs qui creusent des ornières et nécessitent des travaux de remise en état », souligne Pierre Thellier. Il répond donc à « une logique à la fois économique, environnementale et sociale », les trois piliers de l'Agenda 21, schéma d'actions de développement durable dans lequel s'est engagé le conseil général du Pas-de-Calais. « Cela permet une gestion raisonnée des domaines forestiers et la conservation des espaces naturels. C'est primordial » , argumente Dominique Dupilet, le président du Département, tout en observant, admiratif, la frêle Brigitte mener ses imposants équidés d'une main de maître. w
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